5 octobre 1914 : les Français Frantz et Quenault remportent la première victoire aérienne de l'histoire


Cette semaine, revenons sur le premier fait d'arme d'une invention industrielle toute récente mise au service d'un conflit, et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit de la Première Guerre mondiale.

Un nouveau mode de combat

Lorsque cette dernière débute à l'été 1914, l'aviation n'en est qu'à ses balbutiements, le premier vol des frères Wright n'ayant eu lieu qu'en 1903. Néanmoins, réalisant immédiatement son intérêt militaire, la France s'est dotée dès 1909 d'avions dans un but de reconnaissance.

Si, le 1er novembre 1911, à l'occasion de la guerre contre la Turquie, l'aviateur italien Giulio Gavotti est le premier à effectuer, en Libye, un bombardement en lançant quatre grenades à main depuis son appareil, aucun combat aérien n'a encore eu lieu quand débute le conflit mondial : la première machine abattue, également transalpine, l'a été en 1912 mais par le biais d'une mitrailleuse terrestre.

L'as des as

A tout juste 24 ans, le sergent Joseph Frantz est tout sauf un novice. Après avoir obtenu son brevet en 1911, il a travaillé comme pilote d'essai et s'est distingué, dès sa première année, en passant avec son appareil entre les tours de la cathédrale de Chartres. Aussi est-ce logiquement que dès le début de la guerre, il se retrouve affecté à l'escadrille V.24 où son mécanicien est un certain Louis Quenault, 22 ans. Ensemble, ils se sont déjà trouvés engagés dans onze combats mais, équipés alors de simples revolvers, ne sont pas parvenus à abattre leurs opposants…

En ce beau matin du lundi 5 octobre 1914, les deux hommes se voient affecter une mission de largage de six obus au-dessus des lignes allemandes stationnées autour du fort de Brimont, près de Reims. Vraisemblablement échaudé par ses précédentes expériences et sans l'accord de sa hiérarchie, Joseph Frantz demande à ce que Louis Quenault, placé derrière lui avec les obus dans leur robuste biplan Voisin III en acier léger, soit également pourvu d'une mitrailleuse. Laquelle est installée sur un trépied par le constructeur de l'avion lui-même, Gabriel Voisin.

Une lutte épique

Une fois leur mission accomplie et alors qu'ils se trouvent sur le chemin du retour au-dessus des lignes françaises, ils tombent nez à nez avec un appareil allemand piloté par le sergent Wilhelm Schlichting, secondé du lieutenant Fritz von Zangen, qui n'est armé que d'une simple carabine.

Ayant retenu de ses précédentes expériences qu'un combat aérien ne peut être gagné qu'en se trouvant au plus près de son adversaire pour ajuster au mieux la précision du tir, Joseph Frantz se place derrière l'ennemi qu'il surplombe légèrement, de façon à mettre Louis Quenault dans les meilleures conditions possibles. La séquence dure plus d'un quart d'heure, la mitrailleuse s'enrayant et l'avion ennemi tentant de s'échapper en volant en spirale. Mais il finit par être atteint et par s'écraser à proximité du village marnais de Jonchery-sur-Vesle, sous les vivas des soldats français.

Les deux hommes, qui survivront par ailleurs aux deux conflits mondiaux, viennent de remporter la première victoire aérienne de l'histoire. Ce qui vaut à Louis Quenault de recevoir la Médaille militaire et à Joseph Frantz, qui la détenait déjà, d'être fait chevalier de la Légion d’honneur. Leur exploit, relayé dans les plus grands journaux hexagonaux, en fait deux des premiers héros de ce conflit meurtrier.

"Dans les airs, une machine cesse d’être un assemblage mécanique ; elle s’anime et exprime le tempérament du pilote"– Capitaine Ross Smith