Intéressons-nous aujourd'hui à une invention dont le brevet a été déposé il y a tout juste 72 ans et qui a révolutionné tant l'industrie que notre quotidien. Des barres qui font un tabac !
Barres de mesures
En ce 7 octobre 1952, Joseph Woodland est sur des charbons ardents. Le jeune homme originaire du New Jersey, tout juste âgé de 31 ans, vient en effet de déposer une invention développée avec son ami Bernard Silver en laquelle ils placent de grands espoirs.
Les deux garçons se sont connus quelques années auparavant à l'université Drexel, à Philadelphie. C'est dans ce cadre que le second entend une conversation entre l'un de leurs professeurs en ingénierie et le dirigeant d'une chaîne de commerce qui se demande comment tracer et répertorier rapidement ses produits. Bien plus que d'un simple échange anecdotique, il s'agit d'une vraie problématique dans l'Amérique d'après-guerre où distributeurs et industriels cherchent des solutions pour répondre aux défis soulevés par l'émergence des magasins en libre-service, en particulier la lutte contre le caractère chronophage des passages en caisse et de la gestion des stocks.
Or Woodland a son idée sur la question. Il a en effet effectué son service militaire durant le conflit mondial comme assistant technique sur le projet Manhattan, qui n'était autre que le programme destiné à développer la bombe atomique. Fort de l'expérience acquise à cette occasion, il décide de quitter l'université pour se consacrer, avec son comparse, à l'idée qui vient de germer dans leur esprit et qu'ils auraient eu sur une plage de Miami en dessinant des lignes dans le sable : le code-barres.
Elle consiste ainsi à combiner le système de sonorisation de films avec le code morse, et de balayer ce code avec une lumière de manière à traduire les barres verticales en informations. Ils décident à cette occasion d'utiliser tant des cercles concentriques, qui permettent sa lecture dans toutes les orientations possibles, que des lignes verticales.
De l'or en barres
Ce 7 octobre 1952, c'est donc un brevet concernant un code à lignes verticales, mais aussi en forme de cible, et le système d'acquisition des données afférant que les deux amis déposent. Seul souci, mais de taille : les machines nécessaires à son exploitation, les ordinateurs et autres systèmes de lecture optique, sont encore balbutiants et peu répandus… Or dans l'innovation comme partout, l'argent étant le moteur de la guerre, il manque encore une réelle motivation économique.
Il faudra donc attendre un peu plus de 20 ans pour que son utilisation devienne courante. Le déclic survient grâce à la conjonction de la baisse de rentabilité des distributeurs sous l'effet de la hausse du coût du travail, qui les pousse à rechercher des sources de productivité, et de l'invention, en 1970, du code UPC qui ajoute des chiffres sous les barres verticales pour identifier le produit, supplantant au passage les lignes concentriques, difficilement lisibles en cas de bavures d'impression. En avril 1973, après trois longues années de tergiversation, c'est ce format UPC de code-barres à 12 chiffres que les distributeurs et les industriels choisissent d'adopter. Le premier produit scanné à une caisse est ainsi un paquet de chewing-gums Wrigley's, le 26 juin 1974, à Troy dans l'Ohio. On connaît la suite…
Quant à nos deux inventeurs, qui revendent leur brevet à l'entreprise d'électronique Philco pour 15 000 dollars, Bernard Silver mourra malheureusement précocement à 38 ans seulement en 1963. De son côté, Joseph Woodland va travailler pour IBM durant 35 ans avant de prendre sa retraite en 1987. Il fera partie de l'équipe qui développera le laser capable de lire son code-barres dans les années 1970, transformant ainsi encore un peu plus le mode de vie de ses contemporains. Il est décédé en 2012.
"Si le code-barres génétique est aussi fiable que celui des produits à la caisse d'un supermarché, on va vite se retrouver à payer deux fois le prix d'un crime commis par un autre ! " – Laurent Ruquier