5 septembre 2012 : la conquête de l'espace… par le selfie !


Cette semaine, retour sur un phénomène numérique un tantinet narcissique très actuel qui, il y a 12 ans, s'est affranchi de l'orbite terrestre. A moins que ce ne soit il y a 58 ans ? Explications.

Buzz abuse du buzz

L'autoportrait a toujours été fort prisé de l'homme. Et la photographie lui a permis de considérablement se démocratiser. Plus besoin de s'appeler Vincent Van Gogh ou Pablo Picasso pour s'immortaliser sous un jour plus ou moins flatteur. Or s'il est un terrain de jeu qui permet de s'extraire effectivement du commun des mortels, c'est assurément l'espace !

Un article de National Geographic de juin 2019, sur lequel nous nous basons pour vous raconter ces péripéties, nous apprend ainsi que le célèbre Buzz Aldrin, deuxième homme à avoir marché sur la Lune en 1969, a longtemps revendiqué avoir pris le premier selfie de l'histoire le 12 novembre 1966 à l'occasion de la mission Gemini XII. Une paternité que lui refuse Jennifer Levasseur, conservatrice au Smithsonian National Air and Space Museum, citée par le journaliste. Elle considère en effet que "pour que ce soit qualifié de 'selfie', il faut que ce soit pris avec un appareil numérique". De même, toujours selon elle, "le concept de selfie est directement lié à la culture Internet et au désir humain d'interagir sur les plateformes sociales. 'Ce qui fait qu'un selfie est un selfie, c'est le désir de le partager'". Autant de conditions qui ne sont effectivement pas remplies en 1966.

Vers l'infini et au-delà…

Nombre d'astronautes se sont pourtant photographiés tout au long de la conquête spatiale, faisant au passage progresser la mise au point des appareils photos, soumis à des conditions exceptionnelles puisqu'ils doivent résister en particulier à des écarts de température allant de -100 à 120°C. National Geographic rapporte ainsi qu'un fabricant comme le suédois Hasselblad avait équipé l'appareil qu'utilisait Aldrin d'un large déclencheur adapté à l'épaisseur de ses gants. Autre contrainte pour l'astronaute : en l'absence de perche à selfie, il a dû le fixer sur le côté de la sonde avant de venir se placer dans le cadre. Ce sont également les équipes d'Hasselblad qui ont pensé, dans un premier temps, à peindre en noir les appareils pour lutter contre les reflets, avant de les recouvrir d'argent pour lutter contre les variations de température.

Autant de perfectionnements qui ont ouvert la voie à un certain Akihiko Hoshide qui, 46 ans après Aldrin, ce 5 septembre 2012, prend le cliché véritablement reconnu comme le premier selfie spatial de l'histoire, mettant fin à cette guerre de stars. Il est vrai qu'entre temps, les progrès réalisés sont énormes : Internet et les réseaux sociaux ont gagné l'espace et les appareils photo se sont numérisés, ce qui permet de transmettre automatiquement les clichés pris et ainsi de ne plus risquer de les perdre, comme ce fut tragiquement le cas lors du crash en 2003 de la navette Columbia à son retour sur Terre.

Au point que même les robots se sont mis à se prendre en photo, comme dans le cas des clichés de lui-même pris par Mars Curiosity et envoyés sur Terre depuis la planète rouge…

"Le selfie est le langage nouveau d'une époque narcissique. Il remplace le cogito cartésien : 'je pense donc je suis' devient 'je pose donc je suis'" – Frédéric Beigbeder

"Le selfie, j'appelle ça un selfish. Il traduit la suffisance de notre époque. On n'est plus face au monde, on lui tourne le dos" – Rachida Brakni