24 septembre 1888 : la fabuleuse odyssée du Gymnote


Cette semaine, nous vous racontons l'histoire du premier sous-marin torpilleur à moteur électrique opérationnel. Une grande première mondiale à mettre au crédit de l'Hexagone - conjointement à l'Espagne qui lance en même temps un appareil comparable.

Une histoire d'hommes

A l'origine du Gymnote se trouve un homme, l'amiral Théophile Aube, chef de file de "la Jeune Ecole". Ce courant emblématique de la pensée navale française de cette fin du XIXème siècle est basé sur une rupture avec la conception traditionnelle de l'époque qui était de construire des cuirassés de plus en plus importants, lui préférant des appareils plus petits et plus nombreux équipés de torpilles.

Afin de concevoir ce sous-marin électrique révolutionnaire, il se tourne vers deux ingénieurs de talent, Henri Dupuy de Lôme, également à l'origine du premier navire de ligne à vapeur au monde, le Napoléon, lancé en 1850, et Gustave Zédé. Les deux amis se mettent au travail et, pour parvenir à leurs fins, s'entourent d'autres grandes personnalités, au premier rang desquelles Arthur Krebs. Si ce nom ne vous dit probablement pas grand-chose, ce pionnier de l'aéronautique est célèbre dans la France d'alors depuis qu'un moteur électrique de son invention a équipé en 1884 le dirigeable La France avec lequel il a réalisé le premier circuit fermé au monde sur un aéronef motorisé. C'est lui qui conçoit toute la partie électrique et mécanique de l'appareil, le dote d'un gyroscope électrique et dirige depuis Paris sa construction à Toulon où son relais, Gaston Romazzotti, est un ingénieur marié à une nièce de Gustave Zédé. Autres talents à être associés au projet, Louis-Hippolyte Violette et René Daveluy conçoivent à cette occasion le tout premier périscope opérationnel.

Autant de techniciens à la modernité affichée, qui se retrouve jusque dans le nom du sous-marin, qui désigne une anguille électrique.

L'hélice, hélas, c'est là qu'est l'os…

S'il est donc officiellement lancé le 24 septembre 1888, le Gymnote va attendre le 17 novembre pour effectuer sa première sortie avec à son bord Gustave Zédé et Gaston Romazzoti. Long de 17 mètres et manœuvré par un équipage de cinq hommes, il est propulsé par une hélice grâce à un moteur électrique de 52 chevaux qui lui permet d'atteindre 8 nœuds, soit presque 15 kilomètres / heure en surface, et la moitié en plongée. Parmi les officiers qui participent à ces essais se trouve un certain Louis Jaurès, frère cadet du célèbre tribun.

Deux ans plus tard, en 1890, il réussit le premier forçage d'un blocus en plongeant sous la quille d'un cuirassé sans être aperçu.

Malheureusement, sa carrière sera de courte durée. Après avoir subi divers incidents, il se trouve, le 19 juin 1907, les panneaux grands ouverts, dans un bassin de radoub toulonnais dont les vannes sont ouvertes par accident. Les dégâts causés par l'eau de mer nécessitant des travaux de réfection qui auraient dépassé sa valeur, il est finalement démembré en 1911.

"Pour devenir officier, il faut avoir été sous-officier. Pour devenir marin, il n'est pas nécessaire d'avoir été sous-marin."– Philippe Geluck