Interview d'Anne-Cécile Sigwalt, Directrice de la DETI (Direction entreprises et transitions industrielles) de l’Ademe
Les industriels doivent lancer dès à présent leur démarche de décarbonation. Pour les y aider, l’Ademe, opérateur principal du gouvernement pour la transition écologique, s’appuie fortement sur des partenaires comme le Cetim.
Les industriels, à tort, connaissent parfois moins l’Ademe que le grand public. Quelles sont les grandes lignes de votre action auprès d’eux ?
Forte de près de 4 milliards de budget en 2024 et de 1 220 collaborateurs implantés dans chaque région, l’Ademe touche aussi bien au financement qu’à la formation, l’expertise, le conseil, l’accompagnement, la veille, l’animation et la création de réseaux, l’Agence met également à disposition des entreprises, des collectivités locales, des pouvoirs publics et du grand public, ses données afin de leur permettre de progresser dans leur démarche environnementale et de démultiplier les actions en faveur de la Transition écologique. A l’écoute de tous les acteurs, actuels et futurs, de la transition écologique, elle soutient l’innovation et vise aussi à expliquer au grand public et aux professionnels ce que signifie un monde en transition via des exercices emblématiques de prospective comme Transition 2050 ou les plans de transition sectoriels. Neuf sont en cours de finalisation pour les plus émetteurs - aluminium, acier, verre, carton, ammoniaque… -, et permettent d’anticiper, via différents scénarii d’évolution de la demande et de la production, quelle technologie déployer pour décarboner le plus efficacement possible.
Plusieurs échéances sont à venir dès 2030 sur la décarbonation. Quelles sont vos 3 priorités ?
La première consiste à mettre en place des dispositifs adaptés à chaque cible – grands groupes ou PME-TPE, gros ou petits émetteurs… - via du soutien par les appels à projets, des financements directs, des accompagnements, mais aussi la mobilisation de nos partenaires en contact avec elles : autres opérateurs comme Bpifrance, filières, centres techniques... Nous renforçons aussi la base d’outils - guides, autodiagnostics, expertises… - mis à disposition sur agirpourlatransition.ademe.fr.
La deuxième est de massifier en proposant une offre la plus lisible possible, notamment sur ce site, pour que les industriels trouvent ce qu’ils doivent faire et quand. Nous multiplions aussi les partenariats afin de couvrir tout le champ industriel et lancer des actions coordonnées.
La troisième est d’éclairer. Nous devons permettre aux professionnels à la fois de construire des trajectoires réalistes et mettre à leur disposition des outils de mesure des changements, comme le dispositif ACT, grille d’évaluation des impacts environnementaux pour juger si la trajectoire qu’ils ont construite est pertinente et adaptée aux objectifs et aux réglementations.
Quelles sont les actions que les industriels doivent mener en priorité sur ce sujet ?
Il m’est difficile de vous en citer une en particulier mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut décarboner dès maintenant ! Nous mettons à leur disposition tout un ensemble d’outils. Dans le cadre de France 2030, un ensemble d’appels à projets est lancé tous les six mois et nous finançons ainsi à la fois de l’innovation technologique et des projets plus généraux de mise en place d’outils : nouvelles chaînes de production moins énergivores, changements de process, solutions d’efficacité énergétique… Nous soutenons aussi des démarches collectives et territoriales : nous finançons actuellement 11 zones industrielles bas carbone via l’AAP ZIBaC qui permet à des industriels de construire ensemble la trajectoire de décarbonation de leur zone. Nous soutenons à la fois de très gros projets d’investissement, comme ArcelorMittal, mais aussi de plus modestes via l’AAP DECARB FLASH notamment qui s’adresse à des sites beaucoup plus petits.
Enfin, en dehors des investissements, nous insistons sur la formation. Dans une entreprise, la démarche de décarbonation ne se plaque pas artificiellement et n’est pas qu’une problématique technique. Toute la chaîne de valeur est à revoir ! Il faut donc mobiliser l’ensemble du personnel, des salariés à la direction, en passant par les responsables financiers. Notre programme PACTE Industrie regroupe des modules qui permettent de former chaque maillon, de rédiger la trajectoire de décarbonation et d’imaginer ses modes de financement.
Quel est l’intérêt de mener des actions conjointes avec des organismes comme le Cetim ?
Pour relever le défi de la décarbonation, nous avons besoin de nous appuyer sur des partenaires solides, capables à la fois de porter nos outils et de construire avec nous des démarches de décarbonation et de transition écologique. Le Cetim, reconnu pour son expertise, est parfaitement complémentaire de PACTE pour engager les entreprises dans ce mouvement. Le fait qu’il puisse assister concrètement chacune d’elles est très précieux. L’Ademe aide l’industriel à identifier les leviers à actionner pour atteindre rapidement ses objectifs de décarbonation. L’industriel doit alors travailler sur les solutions techniques à implémenter sur le site. Avec l’appui du Cetim !
Retrouvez cet article sur le Cetim Infos de mars-avril 2024 téléchargeable ici.